Allocution de l’ambassadrice Linda Thomas-Greenfield sur une vision pour la paix et le progrès en matière de sécurité alimentaire en Afrique

Mission des États-Unis auprès des Nations unies
Madame l’ambassadrice Linda Thomas-Greenfield
Représentante des États-Unis auprès des Nations unies
Le 5 août 2022

Bonjour. J’aimerais commencer par remercier le vice-recteur Asante pour cette aimable présentation et vous dire à quel point je suis ravie d’être ici à l’Université du Ghana.

Professeur Asante, je suis en fait venue sur ce campus la première fois en 1978. Et pendant que nous venions en voiture – [Applaudissements], je me souviens avoir été impressionnée par la beauté de cet endroit quand je suis venue ici en 1978, et c’est toujours le cas. Donc, encore une fois, ravie d’être ici. [Applaudissements]

Et puis deuxièmement, je tiens à remercier les joueurs de percussions. Vous savez, en entrant, je vous dirais que je suis une marcheuse. Et il y a des percussions parmi les morceaux que j’écoute, et quand je marche au rythme de ces percussions, je marche à la vitesse de l’éclair. Et donc, pendant que vous jouiez des percussions, ma seule pensée était de sortir marcher. Alors merci de me rappeler que je dois marcher.

Et je tiens à remercier tout le monde d’avoir bien voulu se joindre à nous aujourd’hui pour parler de la paix, du progrès et de la sécurité alimentaire en Afrique.

Il y a soixante-cinq ans, un groupe de brillants Américains s’est rendu au Ghana pour marquer son indépendance. En particulier, deux de mes héros personnels, deux hommes afro-américains, sont venus voir l’Union Jack descendre. Il s’agissait tous deux de militants des droits civiques. L’un était lauréat du prix Nobel de la paix pour ses travaux, et l’autre remporterait ce prix plusieurs années plus tard. Ils s’identifiaient tous les deux à la lutte du Ghana pour la liberté, l’indépendance, la dignité et la souveraineté. Ils pensaient que le monde était connecté – que le progrès au Ghana signifiait le progrès non seulement en Afrique, mais aussi en Amérique.

Il s’agissait de Ralph Bunche, l’un des pères fondateurs des Nations unies, et du Dr Martin Luther King, Jr., une icône du mouvement américain des droits civiques.

J’évoque leur visite fatidique pour nous rappeler que le lien entre le Ghana et l’Amérique, entre l’Afrique et l’Amérique, est profond. Que même si cette histoire est en partie douloureuse, elle comporte d’autres volets joyeux. L’Amérique abrite une grande partie de la diaspora africaine – et nos peuples entretiennent des liens de famille, d’amitié et d’histoire, et nos destins sont liés.

Après tout, le président Nkrumah a fait ses études aux États-Unis dans une université historiquement noire, et W.E.B. Du Bois, l’un des plus grands intellectuels noirs de mon pays et un titan du mouvement des droits civiques, est enterré ici au Ghana.

J’attire également l’attention sur le 65e anniversaire de votre indépendance et la visite de Ralph Bunche et du Dr King, car je suis ici aujourd’hui pour parler du lien entre l’alimentation, la paix et la prospérité. Et Bunche et King le comprenaient tous deux mieux que quiconque.

Dans son discours d’acceptation du prix Nobel de la paix, le Dr King a expliqué pourquoi il se battait. Il a dit, et je cite : « J’ai l’audace de croire que les peuples du monde entier peuvent avoir trois repas par jour pour leur corps, l’éducation et la culture pour leur intellect, et la dignité, l’égalité et la liberté pour leur esprit ».

Ralph Bunche a fait une remarque similaire dans son propre discours du prix Nobel. Je le cite : « La paix n’est pas une simple question d’hommes qui se battent ou ne se battent pas. »

« La paix », a-t-il dit, « … doit se traduire par du pain ou du riz, un abri, la santé et l’éducation, ainsi que la liberté et la dignité humaine – une vie sans cesse meilleure ». La paix doit se traduire en pain ou en riz. Je me demande s’il pensait au riz wolof.

Mais en ce moment, le monde n’est pas en paix à cause de conflits persistants et pernicieux, oui, mais aussi parce que le riz et le pain n’arrivent pas aux personnes affamées dans le monde entier. Je travaille pour des causes humanitaires depuis près de 40 ans. Et aujourd’hui, malgré tous les outils modernes dont nous disposons, nous vivons la pire – je tiens à le répéter – la pire crise de sécurité alimentaire mondiale que j’aie jamais vue. C’est une urgence.

Ici en Afrique, une personne sur cinq est sous-alimentée – une sur cinq. Selon les mots du Dr King, ces personnes n’ont pas trois repas pour leur corps. Elles en ont à peine un. L’insécurité alimentaire signifie que les familles ne sont pas en mesure de subvenir aux besoins de leurs enfants. Cela veut dire que les enfants ne reçoivent pas la nutrition dont ils ont besoin pour réussir à l’école. Et dans le pire des cas, cela signifie la famine. Et la famine signifie la mort.

C’est pourquoi nous devons résolument nous engager à éradiquer la faim. Traduire la paix en pain et en riz. Et pour ce faire, nous ne pouvons pas nous contenter de fournir de la nourriture à ceux qui ont faim – même si c’est extrêmement important. Nous devons également nous pencher sur les causes de cette faim, ce qui est à l’origine de l’insécurité alimentaire.

Et en ce moment, je vois quatre causes claires : ce que j’appelle le « E » et les trois « C ». Énergie. Climat. COVID. Et Conflit.

Commençons par l’énergie. Les prix de l’énergie ont augmenté au cours de l’année écoulée – quiconque doit régulièrement faire le plein d’essence ou payer une facture d’électricité ne le sait que trop bien. Les raisons en sont complexes et interdépendantes – par exemple les problèmes de chaîne d’approvisionnement, le changement climatique – mais le résultat est clair : une hausse des prix de l’énergie. Par ailleurs, la manipulation des flux de gaz par la Russie fait encore grimper les prix.

Cela peut avoir un effet dévastateur sur le cycle alimentaire. Après tout, on utilise de l’énergie pour produire l’engrais chimique qui aide les cultures à pousser. Ensuite, les agriculteurs utilisent de l’énergie, généralement du diesel, pour faire fonctionner l’équipement agricole avant que leurs produits ne soient transformés dans des usines où plus d’énergie est encore nécessaire. Et puis il faut également de l’énergie pour acheminer les aliments récoltés vers les magasins, les restaurants, les marchés et des magasins jusqu’à chez vous. La hausse des coûts de l’énergie s’accompagne également d’une hausse des coûts alimentaires.

Ensuite, il y a la crise climatique – une crise que les Africains connaissent particulièrement bien. J’ai été en Afrique pendant la majeure partie de ma carrière professionnelle – dans des postes au Kenya, en Gambie et au Nigeria, en tant que secrétaire d’État adjointe aux Affaires africaines et première femme ambassadrice au Libéria. Et à chaque fois que je reviens, je suis frappée de voir à quel point le climat a transformé l’environnement. Il fait plus chaud. Cela signifie des saisons de production plus courtes pour les agriculteurs, et donc des rendements annuels plus faibles. La crise climatique tue également des animaux, comme le bétail et les poissons.

Ici au Ghana, beaucoup de ceux qui pêchent pour gagner leur vie voient la taille de leurs prises diminuer à mesure que la température de l’eau augmente. Et les événements climatiques dramatiques sont devenus encore plus fréquents.

J’étais en Ouganda hier et j’ai été informée des crues soudaines et des glissements de terrain qui ont privé des centaines de personnes d’abri dans l’Est.

Et en ce moment même, la Corne de l’Afrique connaît sa pire sécheresse jamais enregistrée. Le Programme alimentaire mondial estime que jusqu’à 20 millions de personnes risquent de souffrir de la faim dans cette région.

La Somalie, en particulier, est au bord de la famine – des dizaines de milliers de personnes traversent désespérément des zones naturelles arides à la recherche de nourriture. Plus de 700 000 chameaux, chèvres, moutons et bovins sont morts au cours des deux premiers mois de cette année en raison de causes liées à la sécheresse.

Mais ce sont les enfants qui souffrent le plus – près de la moitié des moins de cinq ans en Somalie souffrent de grave malnutrition. Les mères qui n’ont pas assez à manger cessent de produire le lait maternel dont leurs enfants ont besoin pour survivre et s’épanouir. Moins de récoltes, moins d’animaux, plus d’inondations et de sécheresses. Les problèmes s’accumulent.

Pensez à toutes les avancées technologiques que nous avons connues au cours des 60 dernières années, aux progrès en matière de culture et de récolte des aliments. Et pourtant, selon l’ONU, la croissance de la productivité agricole ici en Afrique est en baisse – elle a diminué de plus d’un tiers au cours des 30 dernières années à cause du changement climatique.

Alors oui, la crise climatique est une crise de catastrophes naturelles, d’inondations, de tempêtes et de vagues de chaleur. Mais elle conduit aussi directement à une crise de la sécurité alimentaire. Il devient beaucoup plus difficile de nourrir les populations.

Et même si le climat rend plus difficile l’approvisionnement en nourriture depuis des années, la COVID-19 s’est avérée un choc immédiat et supplémentaire pour le système. Elle a perturbé les marchés du travail dont dépendent les agriculteurs de la région et du monde. Elle a bouleversé nos chaînes d’approvisionnement et rendu plus difficile l’acheminement des aliments vers les marchés. Et les difficultés économiques et l’inflation, une autre conséquence de ce virus, ont rendu plus compliqués les achats de nourriture sur le marché. Avant la COVID, 100 millions de personnes étaient en situation d’insécurité alimentaire. Trois ans plus tard, juste en trois ans, ce nombre est passé à plus de 190 millions de personnes.

Et puis il y a le troisième « C », qui, je crois, est la cause la plus insidieuse de la faim. C’est la faim causée par les conflits. La faim causée intentionnellement. La faim utilisée comme arme de guerre.

L’Afrique en offre une litanie déchirante d’exemples. En république démocratique du Congo et en République centrafricaine, la violence a entraîné le déplacement de millions d’enfants souffrant de grave malnutrition.

Les combats dans le nord de l’Éthiopie et la sécheresse dans la région Somali de l’Éthiopie ont conduit des civils innocents au bord de la famine. Et bien que nous nous félicitions de la récente trêve humanitaire dans le nord de l’Éthiopie qui dure depuis plus de quatre mois maintenant, la malnutrition sévère reste une grave préoccupation dans tout le pays. Le gouvernement vient de commencer à nous permettre d’acheminer l’aide humanitaire à ceux qui en ont désespérément besoin, mais il reste encore beaucoup à faire pour atteindre les populations vulnérables au-delà des zones urbaines.

Au Soudan du Sud, alors qu’ils cherchaient à se protéger de la violence, des familles et des enfants ont été contraints de se cacher dans des marécages où ils survivent à peine grâce aux aliments sauvages et à l’eau contaminée des rivières.

Et puis il y a la guerre de la Russie en Ukraine.

Comme nous l’a rappelé le représentant du Kenya à l’ONU au Conseil de sécurité, les invasions fondées sur des revendications historiques et ethniques n’ont pas leur place dans notre monde moderne. Ceux qui connaissent de première main le douloureux héritage du colonialisme peuvent voir la menace de chaos qui s’ensuivrait, en particulier sur ce continent, si la conquête territoriale et la conquête de votre voisin venaient à être de nouveau envisagées.

J’ai aussi entendu dire par certains que les Africains ne veulent pas vraiment subir de pression pour choisir un camp ou prendre une certaine position. Je le comprends. Aucun de nous ne veut répéter la guerre froide. Et les Africains ont le droit de décider de leurs positions de politique étrangère, sans pression ni manipulation, sans menaces. Mais je tiens à être claire : je ne suis pas ici pour vous dire, ni à aucun Africain, ce qu’il faut penser.

Mais je voudrais présenter les faits. Je viens de vous dire que plus de 190 millions de personnes étaient en situation d’insécurité alimentaire après la COVID. Eh bien, depuis la guerre non provoquée de la Russie, l’invasion à grande échelle de l’Ukraine, nous estimons que ce nombre pourrait atteindre 230 millions. Cela signifierait que plus de 40 millions de personnes auront basculé en situation d’insécurité alimentaire depuis que le président Poutine a choisi d’envahir son voisin et de lui voler ses terres. Il s’agit d’un nombre de personnes supérieur à toute la population du Ghana.

Pourquoi ? Parce que la Russie s’est systématiquement appropriée certaines des terres agricoles les plus productives d’Ukraine. Elle a rendu les champs inutilisables du fait des mines et des bombes, elle a volé et détruit des équipements et des infrastructures agricoles vitaux. Elle a même bombardé des silos à grains et vendu du grain dont nous pensons qu’il a été volé dans les stocks de l’Ukraine.

Le fait est que cela porte préjudice à l’Afrique. La Russie et l’Ukraine fournissent plus de 40 % des approvisionnements en blé de l’Afrique. Le blocage de la mer Noire par la Russie a fait obstacle à la mise sur les marchés mondiaux de plus de 20 millions de tonnes de céréales ukrainiennes et menacé la sécurité alimentaire au Moyen-Orient et en Afrique. Les prix alimentaires dans le monde sont 23 % plus élevés qu’il y a un an. Mais ils frappent le plus durement l’Afrique subsaharienne où la nourriture représente 40 % du budget des ménages.

Quel que soit votre sentiment à l’égard de la Russie, il est dans notre intérêt commun d’atténuer l’impact de la guerre contre l’Ukraine sur la sécurité alimentaire. Nous avons donc soutenu les efforts de l’ONU pour négocier un accord afin que l’Ukraine puisse recommencer à expédier ses produits agricoles à partir des ports ukrainiens de la mer Noire. Nous nous sommes félicités cette semaine du départ de navires transportant des céréales depuis les ports de la mer Noire. Et nous exhortons la Russie à respecter ses engagements pour permettre aux agriculteurs ukrainiens d’approvisionner à nouveau le monde en céréales. En attendant, nous travaillons également avec l’Ukraine et l’UE pour faciliter les exportations agricoles par toutes les voies routières, ferroviaires et maritimes disponibles.

J’ai entendu de nombreux dirigeants africains dire qu’ils veulent qu’il soit mis fin à cette guerre par la diplomatie, et nous sommes on ne peut plus d’accord. Moscou et Kiev devront trouver des moyens de vivre ensemble en paix. Il est toujours préférable de résoudre les désaccords à la table des négociations et non sur le champ de bataille. Malheureusement, rien n’indique que la Russie soit prête à accepter une solution diplomatique. Nous devons néanmoins au peuple ukrainien si éprouvé de soutenir tous les efforts visant à mettre fin à la guerre par un dialogue de bonne foi et des négociations aux conditions que les Ukrainiens décideront eux-mêmes.

Maintenant, je sais que certaines personnes sont venues ici et vous ont dit que ce sont les sanctions occidentales qui sont à l’origine de la hausse des prix alimentaires. Et encore une fois, je ne vous dis pas quoi penser, mais je veux vous présenter les faits. Le fait est que nos sanctions visent Poutine et ses partisans, et non l’agriculture et l’alimentation qui sont explicitement exclues des sanctions.

Permettez-moi de le répéter, car il s’agit d’une fausse information que l’on rencontre tellement régulièrement : les sanctions américaines ne s’appliquent pas, je tiens à le répéter, ne s’appliquent pas aux exportations de nourriture et d’engrais. Point à la ligne.

Nous avons pris des mesures supplémentaires pour publier des directives publiques détaillées et faire en sorte que les entreprises et les institutions financières comprennent que les produits alimentaires et les engrais ne sont pas ciblés par nos sanctions. Nous avons même créé un « service d’assistance » sur les sanctions pour dissiper tout malentendu sur les questions de sécurité alimentaire, et c’est avec plaisir que nous répondrons à toute question éventuelle.

Mais la Russie elle-même prend des mesures qui limitent les exportations vers le monde. Par exemple, Moscou a imposé des quotas d’exportation sur l’azote et les engrais complexes qui seront en place au moins jusqu’à la fin de l’année. Une pénurie d’engrais aujourd’hui entraînera demain une crise de sécurité alimentaire. La Russie a également imposé des droits supplémentaires sur les exportations de céréales de ses propres agriculteurs, alors même que la Russie a enregistré une récolte exceptionnelle cette année.

Tout cela pour dire que la guerre de la Russie en Ukraine ne fait que rendre encore plus catastrophique une crise alimentaire déjà désastreuse.

Et tous ces problèmes – énergie, climat, COVID et conflits – se combinent en un cocktail complexe qui a conduit à la pire crise de la faim de notre vie. Ce type de crise mondiale sans précédent appelle une réponse mondiale sans précédent.

C’est pourquoi j’ai constamment porté cette question devant le Conseil de sécurité de l’ONU. Le monde doit voir à quel point l’insécurité alimentaire augmente le risque de conflit. Et le Conseil de sécurité doit mieux veiller à ce que la nourriture ne soit pas utilisée comme arme de guerre.

Pour notre part, en mai, pendant la présidence américaine du Conseil de sécurité, le secrétaire Blinken m’a rejoint à New York, et nous avons organisé une série de journées d’action sur la sécurité alimentaire. Nous avons réuni des partenaires du monde entier pour élaborer une feuille de route pour la sécurité alimentaire mondiale. Cette feuille de route appelle les États membres de l’ONU à fournir un financement humanitaire supplémentaire et des dons en nature sous forme d’aliments provenant des stocks nationaux pour faire en sorte que les marchés alimentaires et agricoles restent ouverts, à augmenter la production d’engrais, encourager des systèmes alimentaires durables et surveiller et partager les données sur les évolutions du marché mondial des aliments.

Plus d’une centaine de pays adhèrent maintenant à une vision commune de cette crise et à un programme commun pour y faire face. Et nous travaillons depuis le mois de mai avec l’ONU, le G7 et d’autres pour encourager les partenariats sur la résolution de ce problème avec davantage de donateurs dans le monde. En fait, le président Biden a obtenu un engagement de 4,5 milliards de dollars de financement pour la sécurité alimentaire lors du sommet du G7. Et pour montrer à quel point cette question est importante pour nous, l’engagement des États-Unis représentait plus de la moitié de ce total soit 2,76 milliards de dollars.

Lorsque d’autres se rendent en Afrique, je pense qu’il vaudrait la peine de leur demander quelle est leur contribution à ces actions, car il doit s’agir d’un effort multilatéral et mondial. Face à la menace immédiate et alors que nous entendons faire parvenir autant de nourriture et de fournitures humanitaires que possible au plus grand nombre possible de personnes affamées et désespérées, nous devons également nous attaquer aux causes profondes de la crise, l’énergie, le climat, la COVID et les conflits. Chacune de ces causes profondes, et les modalités de notre réponse collectives à celles-ci, pourrait facilement faire l’objet d’un discours à elle seule, de sa propre conversation.

Mais face à tous ces défis générationnels difficiles, il existe en fait des opportunités. La crise de la sécurité alimentaire peut être un signal d’alarme tant pour le Ghana que pour l’Afrique. La crise peut galvaniser les ressources, les infrastructures, les connexions nécessaires pour faire de ce pays et de ce continent son propre grenier à blé. Pour produire votre propre nourriture pour votre peuple et, peut-être, le reste du monde. Maintenant, je sais qu’il est difficile de l’imaginer en pleine crise de sécurité alimentaire. Mais je sais aussi que c’est possible, et je sais que vous savez que c’est possible.

Vingt ans après l’arrivée de Ralph Bunche et du Dr King au Ghana, un autre Américain d’ascendance africaine très important est arrivé ici : moi. [Applaudissements.]

C’était en 1978 – je vous en parlais au début et j’étais étudiante quand je suis arrivée ici en 1978 – et c’était la première fois que je quittais les États-Unis. Et j’étais venue en Afrique pour voir le continent d’où venaient mes ancêtres. Et j’ai ressenti une connexion immédiate, et j’ai su sur-le-champ que je voulais travailler et vivre en Afrique. Et j’ai voyagé de pays en pays en taxi-brousse. Et au Ghana, je me souviens avoir été frappée par la beauté naturelle de votre pays. Lumineux, vert, luxuriant. Des kilomètres de plages de sable. J’ai aussi appris à connaître vos ressources naturelles. Une filière du cacao émergente. Des précipitations abondantes et un sol et des cultures de qualité.

Mais à d’autres égards, le Ghana était un pays complètement différent. La plupart d’entre vous n’étaient pas là en 1978, peu d’entre nous ont un âge suffisant. Vous étiez sous une dictature militaire. Votre économie était dévastée. On pouvait à peine trouver de la nourriture sur les marchés. Et dans le taxi-brousse dans lequel je voyageais, des gens fuyaient vers le Nigeria dans l’espoir de trouver du travail.

J’ai souvent voyagé au Ghana depuis. Je suis venue ici pour observer les élections générales de 2016 et assister à l’investiture de votre président en 2017. J’ai observé la transformation rapide et radicale de ce pays vers la démocratie, vers la stabilité, vers la sécurité alimentaire, vers la paix. Le Ghana évolue et a encore beaucoup de progrès à faire.

Mais le Ghana d’aujourd’hui est un pays entièrement nouveau par rapport à celui que j’ai connu en 1978. Malgré quelques problèmes de malnutrition dans une partie du nord, le Ghana est maintenant un leader sur ce continent en matière de sécurité alimentaire et de systèmes alimentaires. Vous avez une base solide sur laquelle édifier l’avenir. Mais à mon avis, le Ghana est loin de son apogée. Tout comme l’Afrique au sens large. Le Ghana peut fournir encore plus d’aliments locaux. Il peut devenir un pôle agro-industriel. Il peut devenir un grenier à blé pour le monde entier. [Applaudissements.] Et bien sûr, le Ghana n’est pas le seul pays avec ce potentiel ici en Afrique. Le Nigeria possède d’immenses étendues de terres arables. La république démocratique du Congo aussi. Et la liste n’en finit pas.

Ce que je veux dire c’est que, pendant trop longtemps, les riches et les puissants ont extrait les ressources naturelles de l’Afrique pour leur propre profit. Et cela continue aujourd’hui par de mauvaises affaires et le cercle vicieux des dettes.

Nous voulons voir une Afrique qui pourvoit à ses besoins, avec des approvisionnements alimentaires autonomes qui traduisent la paix en pain de sucre, chapatis, injera et riz wolof que vous pouvez partager avec le monde. Votre potentiel est tout simplement extraordinaire.

Bien sûr, il faudra encore beaucoup travailler pour aboutir à cette situation. Il faudra des ressources. Il faudra de la persévérance, de l’engagement et une bonne gouvernance. Il faudra faire appel à la grande et prospère diaspora africaine pour vous aider à progresser. Des efforts comme l’année du retour 2019 sont un excellent moyen de libérer le potentiel de cette diaspora qui a des milliards de dollars et de vastes trésors d’expérience inestimable à offrir. Cela fera intervenir un partenariat avec les gouvernements, avec les ONG et avec l’agro-industrie – un sujet dont je sais que nous discuterons lors du Sommet des dirigeants États-Unis-Afrique en décembre. Il s’agira de relever le réseau complexe de défis à l’origine de l’insécurité alimentaire. Mais je crois que cela peut conduire à la paix et à la prospérité pour nous tous.

Pour leur part, les États-Unis s’engagent résolument à participer à ce travail. C’est le fondement de Feed the Future, notre initiative mondiale contre la faim et pour la sécurité alimentaire, que le président Biden a considérablement élargie cet été pour inclure la république démocratique du Congo, le Libéria, Madagascar, le Malawi, le Mozambique, le Rwanda, la Tanzanie et la Zambie – qui viennent s’ajouter à douze autres pays cibles, dont le Ghana.

Mais davantage de financements sont nécessaires pour assurer la sécurité alimentaire et faire face aux crises qui aggravent l’insécurité alimentaire, comme les réfugiés et les personnes déplacées à l’intérieur des pays contraintes de quitter leur foyer et qui mettent à rude épreuve les systèmes alimentaires partout où ils trouvent refuge.

Et c’est pourquoi je suis fière d’annoncer aujourd’hui près de 150 millions de dollars supplémentaires de financement humanitaire et d’aide au développement, sous réserve de notification au Congrès, pour l’Afrique. [Applaudissements.] Cela comprend les 20 millions que j’ai annoncés hier en Ouganda destinés à des investissements dans les engrais, les céréales et d’autres cultures – dans le but d’accroître la résilience aux futurs chocs en Ouganda. J’y ai visité hier une minoterie que nous aidons à financer, et j’ai vu à quel point il est essentiel de faire en sorte que ces usines restent en activité.

Les fonds que j’annonce aujourd’hui comprennent également un financement supplémentaire pour le Ghana plus particulièrement destiné au développement et à la commercialisation de produits d’engrais innovants, et permettent d’aider les importateurs et les fabricants, y compris les partenaires du secteur privé, à apporter plus d’engrais dans ce pays.

Même avant cette aide supplémentaire, ici au Ghana, nous aidions plus de 638 000 petits exploitants agricoles à s’adapter aux flambées des prix en facilitant l’utilisation de sources d’engrais locales. Nous encourageons également l’utilisation de semences améliorées nécessitant moins d’engrais et les partenariats entre le secteur privé et l’agro-industrie pour disposer des ressources, de la technologie et du savoir-faire nécessaires à la construction d’une infrastructure agricole.

Enfin, nous savons que les conflits peuvent donner lieu à l’exploitation de la faim à des fins militaires et forcer les gens à quitter leur foyer. Ils conduisent à des déplacements massifs à l’intérieur du pays et de réfugiés, ce qui exerce des pressions sur les systèmes alimentaires des pays voisins. Le financement que j’annonce aujourd’hui prévoit plus de 127 millions de dollars d’aide humanitaire supplémentaire pour l’Afrique afin de fournir un soutien vital aux réfugiés, aux demandeurs d’asile, aux personnes déplacées à l’intérieur du pays, aux apatrides et aux personnes persécutées dans toute l’Afrique. Et permettez-moi de dire que cela nous amène à environ 6,6 milliards de dollars d’aide humanitaire à l’Afrique depuis le début de cet exercice budgétaire.

Et je tiens à remercier le Ghana et tous les pays africains qui ont ouvert leurs portes et leurs frontières à ceux qui cherchent refuge, qui cherchent à se protéger des conflits.

Les fonds humanitaires permettront également de faire face aux impacts humains ressentis par les réfugiés et les personnes déplacées ici en Afrique et par les communautés qui les accueillent. Ils aideront les personnes touchées par les crises au Burkina Faso, en République centrafricaine, au Nigeria, au Niger, en république démocratique du Congo, au Mali et dans d’autres situations de déplacement nouvelles et prolongées. Ils faciliteront le travail des partenaires humanitaires sur la voie de l’amélioration de la qualité de la vie des sept millions de réfugiés et des 25 millions de personnes déplacées en Afrique. Et ils contribueront à la construction d’une paix qui se traduira par du pain et du riz pour tous ceux qui ont faim.

Dans ce même discours du prix Nobel de la paix, Ralph Bunche a poursuivi en parlant de la nécessité immédiate du progrès. Il a déclaré : « Si la paix doit être assurée, les peuples du monde qui souffrent depuis longtemps et qui sont depuis longtemps affamés, oubliés, les défavorisés et les sous-alimentés, doivent commencer à faire sans délai de la promesse d’un nouveau jour et d’une nouvelle vie une réalité ».

Du Bois avait un message similaire : « Aujourd’hui, c’est le temps des semences, maintenant ce sont les heures de travail, et demain viendra la récolte ».

Ensemble, leurs paroles donneraient un aperçu de ce que le Dr King a appelé plus tard « l’urgence féroce du moment ».

Aujourd’hui, face à la crise de la sécurité alimentaire, nul besoin d’autre urgence. Le moment est venu de travailler ensemble dans tous les gouvernements, tous les pays, entre les peuples, pour éradiquer la faim. Le moment est venu de nouer des partenariats avec la société civile, le secteur privé, de dynamiser la diaspora, de tirer parti des nouvelles technologies et des meilleures techniques, de construire les systèmes alimentaires et les structures de demain.

Le moment est venu, c’est le moment de nourrir l’avenir, de transformer le Ghana et d’autres nations africaines en votre propre grenier à blé. Le monde a faim et votre potentiel est illimité. Et il n’y a pas un instant à perdre.

Merci. [Applaudissements.]

MODÉRATRICE : S’il vous plaît, vous pouvez continuer à applaudir. Je sais que vous avez aimé cela. [Applaudissements.] Super, merci. Merci beaucoup. Je pense que vous pouvez vous asseoir maintenant. L’ambassadrice Thomas-Greenfield répondra à quelques questions. Je sais que certains d’entre vous ont très envie de poser des questions. Et nous avons notre première question. Elle vient d’un groupe d’anciens élèves, et je vais simplement passer le micro pour notre première question. Vous pouvez vous présenter et poser votre question.

QUESTION : Merci beaucoup pour votre présentation très touchante. Je m’appelle Priscilla Akoto Bamfo. Je vis dans la région du Nord depuis 10 ans, donc je suis une fille du Nord. Je voulais vous poser des questions sur la jeunesse. L’Afrique a la population la plus jeune du monde. Vous savez que nous sommes la clé du développement durable de l’Afrique. Cependant, les jeunes et l’agro-industrie, comme moi, sont confrontés à des défis très ardus qui poussent de nombreux jeunes entreprenants à abandonner et à quitter l’agro-industrie très rapidement. La montée en flèche des coûts associés à la production alimentaire nuira à une productivité alimentaire déjà faible au Ghana. Comme y a fait allusion Franklin Cudjoe. Les jeunes activement engagés dans le secteur des affaires ont le plus besoin de soutien, à mon avis, pour veiller à ce qu’ils puisent prospérer et contribuer à des solutions durables en matière de sécurité alimentaire.

Ma question est la suivante : Existe-t-il des politiques américaines pour soutenir ces entreprises ? Et quelles sont précisément ces politiques ? Encore merci. [Applaudissements.]

MADAME L’AMBASSADRICE THOMAS-GREENFIELD : Merci pour cette question, Priscilla. Et c’est une question tellement importante. Souvent, lorsque je prononce des discours devant des auditoires, je leur rappelle que l’Afrique est la population la plus jeune. L’âge médian est de 19 ans. Et donc, les gouvernements et leurs bâtisseurs doivent s’attacher à soutenir les efforts des jeunes pour se lancer dans l’agriculture, car je sais qu’il y a tellement de potentiel dans ce domaine. Et je sais que nos collègues de l’USAID travaillent ici au Ghana pour soutenir les efforts des petits agriculteurs, ce qui inclurait des jeunes comme vous.

Nous avons le programme YALI où nous emmenons de jeunes leaders, comme beaucoup d’entre vous, aux États-Unis pour améliorer vos compétences en leadership et certaines de vos compétences techniques en affaires pour faciliter la réalisation de vos objectifs, quels qu’ils soient. La Fondation des États-Unis pour le développement en Afrique accorde également de petites subventions. Et je vous encourage à vous renseigner sur ses prestations. Mais en attendant, ce que vous avez ici au Ghana, ce sont nos collègues de l’USAID. Et je ne sais pas qui est présent de l’USAID, veuillez vous mettre en relation avec cette jeune femme. Merci. [Applaudissements.]

MODÉRATRICE :  Alors, il y a une deuxième question. Je crois que Ruky sait qui va la poser. Je sais que ça vient de là-haut. Oui, s’il vous plait, continuez. Votre nom et votre question.

QUESTION : Merci beaucoup. Je m’appelle [inaudible]. Je suis doctorant en [inaudible].

MADAME L’AMBASSADRICE THOMAS-GREENFIELD : Je ne vous entends pas.

QUESTION : OK, j’ai dit que je m’appellais Curtbert Nabilse. Je suis doctorant au département de l’Agriculture, de l’Économie et de l’Agro-industrie et j’ai une question qui a trait aux OGM. Donc, au Ghana, le niébé GM est récemment passé par la première étape d’approbation pour la commercialisation. Et c’est une perspective enthousiasmante pour certains groupes, mais dans d’autres milieux, il y a des préoccupations qui ont trait aux questions de souveraineté alimentaire, ainsi que des questions concernant la propriété et le partage des semences comme cela se pratique parmi nos agriculteurs ici. Mais nous savons que la technologie GM, en ce qui concerne la production végétale, est très importante. Je veux dire que c’est très important pour assurer la sécurité alimentaire dans des pays comme le Ghana.

Donc, ma question est la suivante : que font les États-Unis ? Comment les États-Unis influencent-ils la commercialisation de ces cultures pour assurer la sécurité alimentaire dans des pays comme le Ghana ? Merci.

MADAME L’AMBASSADRICE THOMAS-GREENFIELD : Merci pour cette question. Et je ne sais pas si je connais la réponse exacte. Mais je sais que nous encourageons les semences et les produits GM, car nous savons qu’ils contribuent à la sécurité alimentaire. Ils contribuent à augmenter les rendements des cultures. Ils vous aident à fournir des semences résistantes à la sécheresse et sont considérés comme contribuant dans de nombreux cas à une meilleure nutrition. Donc, encore une fois, c’est quelque chose que nous soutenons, et nous travaillons avec des entreprises à cet effet. Et encore une fois, je vous renvoie à nos collègues de l’ambassade qui peuvent avoir une réponse précise pour savoir où vous diriger pour obtenir une aide pour vos efforts. Mais je peux dire que c’est quelque chose qui est vraiment une priorité pour le gouvernement américain.


Voir le contenu d’origine : https://usun.usmission.gov/remarks-by-ambassador-linda-thomas-greenfield-on-a-vision-for-peace-and-progress-on-food-security-in-africa/

Nous vous proposons cette traduction à titre gracieux. Seul le texte original en anglais fait foi.